JournAriane

journal de bord


31 octobre 2021

Pour Nietzsche, les dieux grecs sont une création des humains pour supporter l’existence, résumable en deux maux : d’avoir à mourir un jour et de mourir sous peu…

Schiller : chez moi, l’émotion est sans objet clair et déterminé, cet objet ne se forme que plus tard. Ce qui précède c’est un état d’âme musical, chez moi l’idée poétique suit seulement cet état.

La naissance de la tragédie : dans sa célèbre préface à la Fiancée de Messine, Schiller avait déjà proposé une interprétation infiniment plus précieuse sur la signification du chœur qu’il considérait comme un mur vivant dont s’entoure la tragédie pour se démarquer totalement du monde réel et pour préserver ainsi son lieu idéal et sa liberté poétique. L’introduction du chœur serait le pas décisif par lequel on déclare ouvertement et honnêtement la guerre à tout naturalisme dans l’art. Le premier effet de la tragédie dionysiaque est que l’Etat et la société, et d’une façon générale, l’abime entre l’homme et l’homme cèdent la place à un sentiment d’unité tout puissant qui nous ramène au sein de la nature. La consolation métaphysique, avec laquelle toute véritable tragédie nous laisse partir, la conviction que la vie, si on va au fond des choses, et même si les phénomènes changent, est indestructiblement puissante et merveilleuse, cette consolation trouve une claire incarnation dans le chœur satyrique, dans le chœur d’êtres naturels qui vivent indestructiblement, en quelque sorte derrière toute civilisation, et qui demeurent éternellement semblables à eux-mêmes en dépit de tout changement des générations et de l’histoire des peuples.

Schiller reste aussi dans le vrai aussi pour ce qui est des débuts de l’art tragique : le chœur est un mur vivant contre les assauts de la réalité parce que le chœur satyrique – reflète l’existence avec plus de véracité, de réalité, d’intégralité que ne le fait l’homme civilisé qui a tendance à se considérer comme l’unique réalité. La sphère de la poésie ne se situe pas à l’extérieur du monde comme une impossibilité fantastique sortie du cerveau d’un poète : elle veut être son exact contraire, l’expression sans fard de la réalité et elle doit pour cela se débarrasser de la parure mensongère de la prétendue réalité de l’homme civilisé.

 

Le chœur pourrait –DOIT même-  se lamenter pour les enfants qu’ils n’auront pas et leur trop courte vie effacée. Il manque un lamento sur eux-mêmes.

Une idée est en train de venir en même temps que je recopie ces notes. Et si l’apparition du Minotaure était un artifice inventé par Minos, pour effrayer Ariane et Thésée, et qui se retourne contre Minos, comme une bombe dont le compte à rebours aurait dysfonctionné et que découvriraient les enfants d’Ariane quand ils viennent reconnaitre les corps, avec le soupçon pour le spectateur que ce soit une bombe qu’ils auraient placés, eux.

Il est seulement 18h30 et j’ai encore toute la journée de demain pour moi, hourra !...

Ce qui est bon c’est le temps que je mets à penser tout cela, à écrire à mon rythme, à me fermer à tout événement extérieur, à faire le vide en moi, à me laisser remplir par le textàvenir, avec cette certitude confiante qu’il finira par venir, comme il se doit, comme il doit le faire…

 

Nietzsche : Il n’y a pourtant rien de plus sûr que le fait que le poète n’est poète que dans la mesure où il se voit entouré de personnages qui vivent et agissent devant lui et qu’il regarde jusque dans le plus profond de leur être. Pour le vrai poète, la métaphore n’est pas une figure de rhétorique, mais une image substitutive qui lui vient effectivement à l’esprit à la place d’un concept. Pour lui, un caractère n’est pas un tout composite, un ensemble de traits épars, mais une personne vivante qui s’impose à lui, laquelle ne se distingue de la même vision du peintre que parce qu’elle continue de vivre et d’agir en permanence. Pourquoi les descriptions que donne Homère sont-elles tellement plus vivantes que celles de tous les autres poètes ? Parce qu’il voit beaucoup plus. Si nous parlons d’une façon si abstraite de la poésie, c’est que nous sommes tous de mauvais poètes. Dans le fond, le phénomène esthétique est simple ; il suffit d’avoir le don de voir constamment un jeu vivant et de vivre en permanence entouré d’une troupe d’esprits, et l’on est poète ; il suffit de sentir le besoin instinctif de se métamorphoser et de s’exprimer en se mettant dans d’autres corps et d’autres âmes, et l’on est auteur dramatique.

« tout ce qui existe est juste et injuste, et dans les deux cas, également justifié. »

Faust : et c’est là ton monde ! et cela s’appelle un monde !

 

Définition : dithyrambe, poème lyrique, très populaire, chanté par un chœur dansant autour de Dionysos. La tragédie nait un jour où un acteur imite les scènes évoquées qui, jusque-là, étaient seulement commentées par un narrateur. 

30 octobre 2021

J’essaie de continuer le monologue d’Ariane, ce qu’elle endure pendant la libération des otages. Ce qu’elle ressent physiologiquement, la tension dans laquelle la tension la met. Comment la faire basculer dans le souvenir de l’étreinte ?

29 octobre 2021

Première rencontre avec Julie et Emmanuelle, danseuse, chanteuse et compositrice à elles deux. Manque Sabrina à faire rentrer dans l’aventure. Faire venir Sabrina à la représentation de Julie, ou alors, parler à Julie avant la date de la prochaine réunion. Résidence au Magasin calée fin février-début mars. 

D’ici février, finir le texte. J’aurai les deux semaines de vacances pour boucler le tout. Julie a écrit une partie importante de sa thèse sur le chœur dans l’opéra ! Elle m’a donné quelques ressorts dramaturgiques qui pourraient être intéressants. Par exemple, le chœur dit/fait quelque chose alors que le spectateur sait qu’il y a autre chose qui se trame et qui est a contrario de ce que dit/fait le chœur. Qu’est-ce que ça pourrait bien être ?

à quel endroit ça peut se passer ? Le moment de changement de fonction pour le chœur, le moment où la voix collective se scinde et brise le consensus pourrait apparaître au moment où il y a confrontation entre les 3, Minos, Thésée, Ariane, voire même commencer à manifester des failles dans l’unanimité au moment où Thésée et Minos embrayent un dialogue ensemble. Cela est une chose. Mais c’est un peu différent de ce que Julie m’a révélé dans un type de ressort dramaturgique utilisé dans le chœur classique, qui amène une tension supplémentaire dans ce qui est dit sur scène. Mais quoi ? à quel endroit ?

 

 Je suis bien chez moi. Dans le calme de l’appartement. Dans le rythme régulier de l’horloge. Je me suis rassemblée en un seul point et je peux voir à quel point c’est efficace.

Encore tout un après-midi où je peux travailler. Et dimanche et lundi. Puis repos 3 jours. 

 

J’ai bien avancé hier. J’ai continué le chœur du témoin, de celui qui raconte. Encore à peaufiner. Et surtout à terminer. Manque une reprise dans le chœur en direction de Thésée qui poursuit son monologue, puisque le chœur est intercalé. Donc il faut que le chœur indique que Thésée n’a pas fini de parler et qu’il va continuer de le faire. J’ai écrit une nouvelle partie de chœur faisant le lien entre la fin du discours de Thésée et le monologue du souvenir d’Ariane.

La rencontre Ariane-Thésée n’a toujours pas eu lieu. Je ne la vois toujours pas se dessiner. A part peut-être comme ça : il y a un moment où Ariane se rappelle l’étreinte avec Thésée, la dernière peut-être. Thésée pourrait écouter en silence et progressivement se rapprocher d’elle. Elle serait surprise et confuse de l’entendre se rappeler ça. Il s’agit de figures qui ont 20 ans de plus que les événements qu’ils se rappellent et qui ont modifié leur vie à jamais. Il y a un Mythe et tragédie de Vernant et Vidal-Naquet tome 2.

 

Lire des tragédies : les suppliantes d’Euripide (figure de Thésée), les Bacchantes

 

J’ai continué les notes de la tragédie sur la scène moderne, c’est assez édifiant. Ça me donne des indications pour l’écriture générale. Je prends à la volée ce qui me vient à l’esprit.

 

Et si Ariane à la fin de son monologue, après la reviviscence d’un moment de sexe avec Thésée embrayait sur ses ébats avec Dionysos et que confusion, Thésée l’écoute et pense qu’elle parle de lui, d’eux deux !

 

Le récitatif (Stasimon)

 

Un nom à bannir parce qu’il provoque des frissons chez ceux qui l’entendent : le labyrinthe

27 octobre 2021

Préparation de la rencontre avec Julie et Emmanuelle en vue d’une résidence au Magasin. Que dire ? Cela va être l’occasion de me simplifier au niveau des enjeux. Une pièce politique, il me faut définir ce que je tente d’écrire. Cela me servira pour la note d’intention. Il ne reste plus aucun dieu vingt ans après, il manque des lignes sur ce fait. A quel endroit ? seulement l’Antichiffre sacré. Peut-être dès le monologue de Minos. A moins que cela devienne l’occasion pour Ariane

19 octobre 2021

Confrontation Ariane-Thésée. Pour l’instant, on ne comprend pas pourquoi, l’un puis l’autre, ce qui relie les deux monologues qui pour l’instant sont juxtaposés : et pourquoi Ariane se remémorerait les événements passés de cette façon, qu’est-ce qui la pousserait à ça ?  Il manque quelque chose avant qu’Ariane puisse se rappeler. Après la fin du dialogue avec Minos, elle ne reparait plus avant. Apparition du Minotaure, chœur, Thésée, chœur, Thésée ; Est-ce que ce ne serait pas le chœur qui viendrait faire le lien ? En s’adressant à l’un et à l’autre. En appelant le souvenir d’Ariane à sa conscience. Qu’est-ce que ça veut dire que de renouer avec l’antique, d’écrire un drame qui se situe dans une période mythique et historique ? Pourquoi aller puiser dans cette forme ancienne. Cette destinée incroyable que j’interroge. Est-ce qu’il s’agit d’une tragédie ou d’un « poème de théâtre », est-ce qu’il est nécessaire de statuer ? En tous les cas j’ai besoin d’écrire une note d’intention. 

9 octobre 2021

Hier au réveil, plusieurs illuminations. Arrêter le calque à la pièce classique, avec la mention de qui parle, l’écrire dans le texte, le faire comprendre par des indications plus précises. Aussi, comment amener les personnages les uns après les autres. Problème pour amener Thésée. Pourquoi finir le dialogue par l’apparition du Minotaure et ensuite faire parler Thésée. Il peut y avoir un trou, un gap. Cela crée une rupture. En revanche, dans le dialogue entre Ariane et Minos, on doit entendre l’éventualité de l’arrivée imminente de Thésée.

 

Et bien voilà un nouveau manuscrit daté du 9 octobre qui est fixé et retravaillé. Prendre une douche et passer à autre chose ! Ecco !

6 octobre 2021

Nouveau ressort dans le dialogue Ariane-Minos. Minos veut utiliser Ariane pour qu’elle amadoue Thésée dans son projet de rachat de la Crète, ou de versement d’argent pour la Crète, Minos veut qu’elle lui obtienne un rabais. Voilà le ressort dramaturgique central. Ariane est outrée. Evidemment elle s’y refuse. La confrontation avec Thésée va avoir lieu mais pas de la manière que l’imagine Minos. 

3 octobre 2021

Toute une journée à consacrer à Ariane, et à l’écriture cette fois et pas la lecture. Lu Les Dithyrambes de Dionysos, le chapitre consacré au labyrinthe par Bachelard. Nuits de doute, journées de repli, de retrait des autres pour nettoyer mes pensées trop chargées et retrouver un peu de clarté. Je me fais un sacré programme et je me sens incapable de le tenir jusqu’au bout. L’échéance que je vois est février. J’aimerai avoir tout fini en février, pour le mettre à l’épreuve au Magasin. Il me restera un peu de temps pour retravailler, améliorer encore.

Je me sens un peu perdue… Un comble pour quelqu’un qui travaille sur le labyrinthe. Me servir de cet état, qui est un état psychique profond pour écrire la suite. C’est assez frappant de voir comment ce que je vis en « interne » m’accompagne dans ce projet d’écriture. Comment cette boucle entre le travail d’écriture et ce que je ressens ne doit pas se convertir en filin, en lacet, en corde pour me pendre ! Il y a peut-être une manière de faire, d’écrire je veux dire, qui ne serait pas si coûteuse. Mais est-elle pour moi ?

Il me reste 4 mois pour finir, boucler la première version.

Stratégie de fuite. Et oui cela a à voir avec Ariane et la nécessité de travailler par moi-même, en éliminant les opportuns et les gaspilleurs de mon énergie.

 

En bref, ce week-end je suis passée du « Tout heurte » à « Cela suffit maintenant »…

2 octobre 2021

Ariane est emportée par le souvenir comme l’eau l’emporterait s’il n’y avait pas les pierres pour lui faire une assise, elle est sans volonté, abandonnée au souvenir…

Corridors couloirs entrelacs méandres arcanes qui avalent qui entrainent totalement.

Accumulation de l’angoisse d’un passé de souffrances et l’anxiété d’un avenir de malheurs.

Le fil d’Ariane est le fil du discours, Ariane guide Thésée par sa parole, le dialogue intérieur qu’elle a avec Thésée est une manière de le guider à distance, comme si sa parole le soutenait dans son avancée.

 

Bachelard :

« L'être dans le labyrinthe est à la fois sujet et objet conglomérés en être perdu. Se perdre, avec toutes les émotions que cela implique, est une situation manifestement archaïque."

Avoir peur comme une situation première

Labyrinthe dur qui blesse, labyrinthe mou qui étouffe

Labyrinthe pétrifié, éclaté

 

Le chemin de rocs est semé de cris sombres

Archanges gardant le poids des défilés

 Pierre Jean Jouve, Sueur de sang

 

Dialectique d’angoisse et de jouissance.

Ecrire c’est se cacher.

 

« Nous sommes des êtres profonds. Nous nous cachons sous des surfaces, sous des apparences, sous des masques mais nous ne sommes pas seulement cachés aux autres, nous sommes cachés à nous-mêmes. Et la profondeur est en nous, une trans-descendance. Ce souffle ne nous vient pas du dehors, il est dans nos pensées, c’est le songe de la plus obscure profondeur, c’est la parole flottante d’où nait la méditation, la méditation qui aboutit à la conscience du moi. Nous dirions à la conscience de l’infra-moi, sorte de cogito du souterrain, d’un sous-sol en nous, le fond du sans fond. C’est dans cette profondeur qui viennent se perdre les images que nous avons rassemblées. Rentrer en nous-mêmes ne donne qu’un premier stade de cette méditation plongeante. Nous sentons bien que descendre en nous-mêmes détermine un autre examen, une autre méditation. Pour cet examen, les images nous aident. Et souvent nous croyons ne décrire qu’un monde d’images dans le temps même où nous descendons dans notre propre mystère. Nous sommes verticalement isomorphes aux grandes images de la profondeur. »

30 septembre 2021

La peau qui bouge sous une force inconnue. Un mouvement léger qui ne ressemble à rien d’autre. Un tressautement, un frémissement des muscles comme une onde. Un avertissement corporel de quelque chose qui va se produire. Ce que décrit Ariane, c’est l’attente, c’est ce tout proche infranchissable, incommunicable qu’elle peut juste deviner, imaginer. Comme ces femmes devant une prison, un hôpital, qui ne peuvent rejoindre l’aimé que par la pensée ou par l’écriture adressée. Il y a quelque chose de cet ordre, une manière de se projeter en pensée qui dirait toutes les attentes, toutes les inquiétudes, toutes les incertitudes devant une résolution qui tarde à venir, un face-à-face qui reste sans cesse ajourné.

22 septembre 2021

« Je suis la voix de la lassitude et du désespoir… » J’ai écouté les textes des femmes poètes afghanes, assassinées pour la plupart. L’événement organisé par Maud Thiria Vinçon qu’Estelle va organiser et pour lequel je vais être un relais. Du mal à écouter sans que l’émotion vienne affleurer…

J’ai continué le récit d’Ariane, en le traduisant au fur et à mesure que ce soit les parties écrites en anglais directement ou en français. Continuer mais en anglais directement, un peu plus.  

19 septembre

Morne pluie. Je glane à gauche à droite sans but, erre dans mes méandres…Continuer l’écriture du texte « et je me suis tenue ». Tenue nulle part…je l’ai retravaillé. Ce qui a voulu dire pour moi, élaguer, élaguer, encore et encore…Enlever le trop plein le superflu le redondant. De 10 lignes je suis passée à 5. Maintenant dire la bascule, de manière fine et pas grossière comme j’ai commencé à le faire !! Nuit triste, sans envie de dormir, sans volonté d’échanger, j’ai failli repartir et je me suis résolue à rester et j’ai fini par dormir…Agitable Juliette…

17 septembre 2021

Moments de rien. À laisser l’esprit vagabonder. Quelques lignes de Bachelard et méditer.

Vu Julie hier soir. Le labyrinthe au Magasin. Elle lit des choses sur la danse par rapport au labyrinthe. Je lui ai dit vouloir écrire la partie où Ariane se remémore le parcours de Thésée dans le labyrinthe avec des parties en anglais. C’est donc cette partie qu’il faut que j’avance. Ce que je peux me dire, c’est que d’ici février, il faut que j’ai fini une première version complète. Et que je me garde la deuxième semaine de février pour retravailler le texte. Et évidemment finir fin mars.

Pierre Reverdy, Plupart du temps

Une ombre dans l’angle du couloir étroit a remué / Le silence file le long du mur / La maison s’est tassée dans le coin le plus sombre

12 septembre 2021

Bachelard, une mine, la partie sur le labyrinthe à relire tranquillement et à prendre en notes, cette lecture errante cet après-midi m’a donné envie de continuer le texte d’Ariane sur l’eau et la faire basculer dans le souvenir du labyrinthe, cela pourrait être un procédé, assez subtil mais à tenter.

9 septembre 2021

Dans deux mois, cela fera deux ans que je travaille sur Ariane. Evidemment que les choses avancent. Mais si lentement. Continuer cette nouvelle méthode. C’est-à-dire écrire des bouts de texte qui me viennent quand ils me viennent et moins me soucier de la construction générale, qui de toute façon, avance également, mais en suivant un autre rythme, elle va venir cette construction au fur et à mesure, j’ai le grand déroulé général. Elle est en train de venir, pas à pas, petit à petit et elle vient parce que j’avance l’écriture. Voilà, c’est dit.

 Continuer le récit d’Ariane. Et cette litanie, Nos irrémédiables…Lire Les dithyrambes à Dionysos.

8 septembre 2021

Deux textes ont émergé. Un récit de bord de l’eau, mon séjour au milieu de la rivière, assise sur les rochers de la cascade, je ne sais pas encore si j’en ai besoin pour Ariane, mais qui sait. Cela peut faire partie du moment du souvenir, à incorporer à la projection du parcours dans le labyrinthe. 

3 septembre 2021

Je suis passée de l’autre côté de l’année, celui de la reprise du travail. Donc les moments de libre se resserrent comme des portes coulissantes sur ma liberté. Ce que je peux c’est me projeter à demain.

Et me préparer à reprendre Ariane où j’en suis restée. Peut-être en écrivant des parties qui se rajouteraient. Je repense à ce texte Nos irrémédiables, mais quand est-ce que j’ai commencé à l’écrire. Sinon le réécrire, j’ai encore dans la tête cette litanie.

Cette phrase de Loraux : l’anti-politique, qui peut désigner l’autre de la politique mais aussi une politique autre, non plus fondée sur le consensus et le vivre ensemble mais sur le lien de la division.

Choryphée, choreute. Le chœur comme un outil de réflexion pour le public, intégrer l’intrigue dans un contexte mythologique plus large et donc renforcer la distance entre l’univers des spectateurs et le monde des héros figurés sur scène. Tension entre la voix collective et la voix individuelle.

Chœur : groupe de personnes dont l’individualité est en partie ou totalement effacée, à la fois multiple et univoque. Reviviscence du chœur dans le monde contemporain (chœur de voisins, de commères, toujours prêts à réagir aux événements qui les entourent). Le chœur figure la collectivité, parle à la première personne du singulier et du pluriel. Fonction émotive du chœur. Couper le spectateur de sa réalité quotidienne.

 À part prendre des livres en notes, je ne vois pas ce que je fais. Demain absolument me confronter à la continuité du texte. 

30 août 2021

Une maladie qui me couche, une de celle qui fait suspecter être « l’épidémie »…J’en saurai plus ce soir.

En attendant, une après-midi entière pour travailler, c’est une bonne perspective pour moi…

Le livre sur les labyrinthes, plusieurs choses à noter :

 Le Palais de Cnossos est le palais de la double hache (labrys) – forme latine labor intus

La forme labyrinthique émerge en de multiples lieux, en de multiples niveaux. Notre corps complexe est fait de labyrinthes.

C’est un archétype agissant dans l’inconscient de tous les humains : Bachelard, la terre et les rêveries du repos.

Caverne et labyrinthe n’ont jamais cessé au cours de notre histoire d’être associés comme un seul et même lieu initiatique. Analyse symbolique : la caverne est le lieu de l’initiation, et le chemin qui y conduit avec ses épreuves et ses obstacles, devient pour le néophyte un couloir obscur aux méandres incompréhensibles. Parce que le chemin est long, qu’il est parcouru d’embuches, qu’il permet des retours sur soi sans cependant revenir en arrière, il est accès au temple secret, au centre spirituel où doit s’effectuer la seconde naissance.

 

Le chœur pourrait être en contradiction à l’intérieur de lui-même : par exemple une partie qui aurait le syndrome de Stockholm et une autre qui se rebellerait, une manière de dire dans le texte même l’impossibilité du peuple qui aurait une seule manière de penser, une seule manière de vivre, un anti-chœur en quelque sorte.

 

Le taureau, selon Pastoureau : étymologie du sanskrit Go (God, Gott). La famille royale crétoise avait pour ancêtre un Zeus-Taureau (clarté-force). Le Minotaure symbolise toutes les terreurs de l’expérience labyrinthique, redoutable et fascinant, il appartient au règne des instincts obscurs (Suite Vollard de Picasso : sacrifices, orgies, danses, chants, hiérogamies, ivresse, désir, cruauté, exaltation, tristesse des extases)

Ariane gardienne consacrée de la demeure du Minotaure devient l’épouse de Dionysos. Il n’est guère douteux que  les mystères en l’honneur de Dionysos ont emprunté au rituel labyrinthique crétois. 

Duchaussoy : l’essence du taureau divin, force impérieuse de la nature créatrice, n’est ni destructrice, ni salvatrice par elle-même.  Elle s’efforce de faire pénétrer dans sa plénitude le sens de la vie, en tirant l’homme hors du labyrinthe où l’enferment ses instincts ou ses passions refoulées.

Comme ceux de Mithra, les mystères de Dionysos étaient destinés à faire acquérir cette maitrise par le sacrifice joyeux des plaisirs, mais après en avoir pris connaissance. Le combat contre le Minotaure, le combat spirituel contre le refoulement. Sur le plan mythique universel, c’est le héros libérateur ou sauveur. Conduisant 14 enfants, Thésée est le guerrier et champion par excellence. Met en jeu son destin. L’expérience labyrinthique est action.

L’essence du labyrinthe réside dans le mouvement, dans l‘ordre statique sa construction n’aurait aucun sens : historien de la danse, Curt Sachs.

Les cavernes cultuelles comportent une aire de danse.

Thomas Corneille (frère de Pierre), tragédie Ariane, 1672.

Nietzsche : je suis ton labyrinthe – Ariane, tu es un labyrinthe ! Thésée s’est perdu en toi, il n’a plus de fil, à quoi cela lui sert-il de ne pas avoir été dévoré par le labyrinthe ? Ce qui le dévore est pire que le Minotaure.

 « Le scénario de Thésée pose que le labyrinthe comporte une entrée et une sortie reliées entre elles comme l’achevé et l’inachevé le sont par la durée. Le trajet labyrinthique se situe entre ces deux points, passé et futur, dans ce que nous nommons le présent et qui est une fiction grammaticale moderne. L’expérience labyrinthique peut être prise comme une découverte du présent, concept et temps qui n’existent dans aucune langue archaïque et qui manquaient certainement en Crète minoéenne et en Attique jusque-là. »

 

Thésée est dévoré par pire que le Minotaure : son remords ?

 

Préface Théâtre et son double, Le théâtre et la culture : Artaud proteste contre l’idée séparée que l’on se fait de la culture comme s’il y avait la culture d’un côté et la vie de l’autre et comme si la culture n’était pas un moyen raffiné de comprendre et d’exercer la vie…« et s’il est encore quelque chose d’infernal et de véritablement maudit dans ce temps, c’est de s’attarder artistiquement sur des formes, au lieu d’être comme des suppliciés que l’on brûle et qui font des signes sur leurs buchers. » 

 

Ariane va se rendormir. Rentrée. Arrachement.

25 août 2021

Pas beaucoup travaillé aujourd’hui. Je suis désolée de ne rien faire, ou pas grand-chose. J’ai un certain nombre de jours devant moi, heureusement. Ne pas mégoter sur l’emploi du temps. Avancer avancer.

La question du temps dans la tragédie. Et dans Ariane. On a cette durée, vingt ans entre le moment de la fuite et le retour d’Ariane à Cnossos. Rajouter des indications de la durée présente, de ce qui se vit au moment où cela est dit. Minos entre en scène, puis Ariane, seule, puis le dialogue entre eux deux. Le début du dialogue est bien trop abrupt, Ariane est bien trop ironique tout de suite. Il manque quelque chose. Je dis qu’elle arpente la grande salle en retournant des objets de puissance. Elle sait que Minos l’observe. Qu’il est rendu muet par sa présence. Qu’il se redresse progressivement. Et quels sont les premiers mots qu’elle dit ??? « Vingt ans, Minos. Vingt ans… » L’abri de Dionysos et son cortège entrainant. On doit l’entendre dans cette toute première partie, au moins un élément

Service de la poussière.

La saison où l’on ne dormait jamais.

Quelque chose a cassé, a fait un bruit mat en tombant.

Le temps qui passe à gros bouillons.

Autrefois auparavant jadis.

Grand calculateur.

Au milieu de la rive l’eau battant de tous côtés.

Le chiffre vient se substituer à la puissance du nom

Astérion, le nom du Minotaure (nom du père de Minos, Astérios…)

incipit Divine Comédie «  car la voie droite est perdue »

 

L’essentiel au théâtre pour le spectateur, c’est ce qu’il ne voit pas, n’entend pas, ce n’est pas ce que lui montre la pièce, c’est ce que ça lui dit.

24 août 2021

J’ai continué le dialogue à Minos. Repris le texte anglais du souvenir d’Ariane qui ne peut qu’imaginer l’errance de Thésée à l’intérieur du labyrinthe. Je l’ai écrit en anglais. Me bercer de ce rythme, cette langue de l’amour. Ariane ne peut qu’imaginer Thésée à l’intérieur.

 

 

Le temps qui se tient devant nous.

23 août 2021

Quelques heures devant moi…Commencer par réunir mes esprits. Lire aide…Me bloquer sur la page, face à l’ordi et attendre…Lecture du Temps dans la tragédie grecque par Jacqueline de Romilly.

Je prends en note ce qui me semble important et ça me force à réfléchir à la structure du texte. Le temps dans la tragédie, analysé par la présence de termes indiquant une durée, un état du temps. Le chant du chœur vient introduire un autre état du temps, marquant que le passé n’est pas passé…

L’action tragique s’installe dans un présent unique, auquel elle nous oblige à participer, minute par minute. Elle imite directement la vie et ne suppose l’intervention d’aucun narrateur : elle suit donc ce qui arrive aux personnages, au fur et à mesure, en nous associant à leurs émotions. Elle en épouse le déroulement, selon un rythme qui reproduit le rythme même du temps.

Comme tout se rapporte à une seule action, celle-ci acquiert à la fois plus de portée et plus de sens. On voit comment elle progresse, quels en sont les dangers et quel est l’aboutissement.

De là une tension intérieure qui s’attache à son développement et donne le sentiment d’une crise exceptionnelle.

Répétition et permanence.

La vie avec Dionysos.

 

Comment dire le dieu ou plutôt l’absence de dieu, le retrait des dieux.

22 août 2021

Retour de fête, le corps lourd de danse et de joie.

Autre chose : j’ai publié sur FB un extrait de l’adresse d’Ariane à Minos avec une photo de Sarah au Verso, qui a été partagé par le poète Nimrod avec ce commentaire « cette performance comme vous l’appelez est saisissante, le verbe théâtral comme je l’aime »…Un peu que ça me donne du courage et de la force pour continuer !

 

Comment m’organiser demain et cette dernière semaine de travail possible. J’ai mes livres de la BU à lire plus avant puisqu’il va falloir que je les rende à la rentrée…Comment avancer dans le déroulement, comment avancer l’écriture ? À voir demain, je ne tiens plus debout…

20 août 2021

Premier dialogue Ariane avec Minos trop court. Tirade de Thésée qui vient trop rapidement dans le texte et trop long, peut-être à scinder en plusieurs parties.

 « Lettre aux comédiens » version punk, sous-titrée Vieux mégots, restes dans l’assiette et verres brisés : « Je suis poète et je vous emmerde, alors les comédiens vous allez faire ce qu’on vous demande et pas la ramener. » Mon côté punk qui ressort.

L’extase, ce qui sort à l’extérieur.

Le désir est indestructible, le désir a besoin de mémoire (comment fabriquer sa mémoire)

Puissance et pouvoir, synthétiser par Deleuze, si l’art a du pouvoir, il perd sa puissance, s’il est fait pour le pouvoir. Quelqu’un qui cherche le pouvoir perd sa puissance.

 

Le soulèvement comme débordement de puissance.

19 août 2021

Description du labyrinthe par Ariane qui ne peut juste que se l’imaginer. Elle le décrit de l’intérieur de son esprit, son esprit qui s’est projeté auprès de Thésée dans son combat contre le Minotaure. Grande émotion à écrire Ariane aujourd’hui, grande colère, grand remue-ménage, grand bouleversement, en pensant aux femmes démunies, livrées à leur agresseur, quel qu’il soit.

La distinction entre pouvoir et puissance chez Spinoza, y aller voir de plus près.

Antonio Negri, puissance et pouvoir chez Spinoza (écrit en prison dans les années 80, philosophe de l’opéraïsme italien) : Potentia, puissance et pratique du collectif, contre Potestas, le pouvoir, l’Etat. Lecture de Spinoza qui doit montrer que le capitalisme veut dissoudre le singulier dans la totalité, qu’il instaure l’absolu du pouvoir par la médiation du droit, alors qu’il est possible de proposer une image de la vie sociale qui ne serait pas centrée sur le pouvoir et la totalité.

Outrepassement.

Ariane ne dit pas assez son dégoût des manœuvres politiques dans le premier dialogue avec Minos. Il y a certainement un échange plus précis à faire.

La faim du Minotaure.

Ariane et ses enfants petits satyres.

Les chiens qui dorment.

 

Le moment hot du récit d’Ariane se remémorant ses étreintes avec Thésée.

18 août 2021

Midi. Obligée. Je suis votre obligée. Quelle expression ! Silence dans la maison. Taïga-chat et moi. Traverser les nuées. Me désembrouillarder. J’ai travaillé ma concentration et mon attention. La lecture m’aide. A focaliser mon esprit. 

17 août 2021

Réveil pas trop tardif et grande nuit calme. L’heure de m’y remettre. Tout l’après-midi ou presque…Tellement bon, tout ce temps devant moi. Je prends en notes le Rancière, Le spectateur émancipé, lu quelques pages de Ci-git l’amer de Cynthia Fleury sur le ressentiment et ses liens avec le fascisme. Son commentaire de Reich par exemple.

Où j’en suis dans l’écriture. On sait que Minos attend Ariane et Thésée, qui doivent venir au Palais de Cnossos, 20 ans après les « faits ». Il est en train de mourir, il les fait venir pour se jouer d’eux encore et les supprimer. Il est ambivalent, pleurnichard, revanchard. Le Chœur intervient à plusieurs reprises et rythme  le déroulé en faisant des aller-retour sur leurs conditions, sur les événements, sur la situation qui est en train de se passer. Il me semble que je suis à un point de l’exposition particulier. Il y a eu le monologue de Minos, celui d’Ariane, le premier dialogue Minos-Ariane, interrompu par l’apparition du Minotaure qui vient hanter les lieux et les consciences, le monologue de Thésée, le chœur à nouveau qui vient décrire l’action de Thésée pour leur libération. Quelque chose doit se passer et faire basculer l’action. Que se passe-t-il après ? Quel est le point de bascule qui va faire monter d’un cran la tension ? Thésée se livre, livre ses sentiments, ses remords vis-à-vis d’Ariane, de sa vie publique contrariée. Il y a un passage dans le monologue qui n’est peut-être pas assez marqué, le point de bascule vers le remords. Une action que ferait Thésée qui produirait un changement dans son discours…Un geste, un mouvement déclencheur. Et après ? Après le chœur, qu’est-ce qui se produit ? Que déclenche le chœur ? Qui rentre en scène de nouveau, pour dire et faire quoi ? Moment de la confrontation Ariane /Thésée ? Celle de Minos/ Thésée ?.

Peut-être faut-il que je parte de la fin. Qu’une fois que j’aurai déterminé la fin, il s’agira d’avancer point à point vers ce crescendo. Pause lecture.

 

Cynthia Fleury : La « masse » voit le jour au moment où les sujets qui la construisent se dessaisissent de leur sujet, où ils renoncent avec vindicte à être responsables de leur vie, où ils se définissent comme victimes, et bientôt se font bourreaux pour rétablir la justice. « Plus l’homme nivelé dans la masse est apolitique, plus il est accessible à l’idéologie de la réaction politique. L’attitude politique n’est pas comme on pourrait le croire, un état psychique passif mais une prise de position très active, une défense contre le sentiment de sa propre responsabilité politique. L’apolitisme est une idéologie qui ne s’assume pas, celle du court terme, du manque de convictions personnelles et de conscience sociale. Le pas de plus c’est aussi le signe de difficultés sexuelles, relevant d’un héritage freudien concernant l’investissement libidinal de l’individu. Il ne s’agit pas d’entendre la sexualité dans un sens restreint mais de comprendre l’idée d’une énergie vitale, sexuelle ou sens d’investissement du désir dans le monde, de désir du monde, possiblement dès lors frustrable si celle-ci n’est pas reconnue à sa juste mesure. En négligeant systématiquement, au motif qu’il n’est pas scientifique, un certain type d’explication des comportements humains, notamment psychanalytique, nous produisons un soutien indéfectible à leur maintien dans la résistance caractérielle, celle-là même qui empêche une théorie du changement basée sur l’action, et favorise un passage à l’acte dont le pilier est le ressentiment. L’homme a renoncé à se comprendre lui-même. Renoncer à se comprendre soi-même cela évoque le renoncement à la faculté de juger et de penser par soi-même, qui est l’obstacle majeur de l’avènement des Lumières.

Le sujet qui résiste à son ressentiment n’est pas celui qui ne le connait pas mais celui qui le dompte.

Ne pas réveiller les chiens qui dorment, cet avertissement qu’on oppose si souvent à nos efforts d’investigation du monde psychique souterrain, est tout particulièrement inapproprié pour ce qui concerne la vie de l’âme. Car si les pulsions causent des troubles, c’est une preuve que les chiens ne dorment pas. »

 

Machinerie. La pornographie du pouvoir.

Ariane se remémorant Thésée dans le labyrinthe (poème en anglais à reprendre)

Description des massacres par Thésée ou par un témoin. Lequel ? Un membre du chœur ?

Pouvoir et puissance – Didi-Huberman

Opposition radicale entre deux sortes de représentation : l’image visible et le récit par la parole, deux sortes d’attestation : la preuve et le témoignage.

Le vrai témoin est celui qui ne veut pas témoigner. Ce n’est pas le contenu du témoignage qui lui importe mais le fait que sa parole soit celle de quelqu’un à qui l’intolérable de l’événement à raconter ôte la possibilité de parler.

L’irreprésentable.

La double frappe du réel qui horrifie et de la parole de l’Autre qui oblige.

Réservoir de la pensée de Rancière dans Le spectateur émancipé. Je vois que la machine à penser s’est remise en branle. Je commence à rentrer dedans. Je le sens. Par rapport au brouillard dans lequel j’étais dimanche.

 

Nous ne sommes que mardi. Donc. Travail en cours. Je vois à quel point je rentre dans une concentration durable. Mes réactions dans la vie courante m’impressionnent. Absolument imperturbable et sûre de moi. Cet été a fait son œuvre…

9 Août 2021

Le plus dur est de rester immobile un long moment sans bouger de ma chaise. De tenir le coup de l’immobilité. De l’accepter, de l’apprivoiser. Consacrer chaque jour un moment. De ne pas me désespérer. De mettre toute tentative de désespération bien à l’écart. Bien à l’abri. J’ai avancé. J’ai repris des passages, sans plus me soucier d’organiser quoi que ce soit. Sans me perdre dans les notes ou les lectures. Qu’il faut que j’avance, que je poursuive. Toujours pas fait de tour dans les notes ni les livres. Et une fatigue incommensurable. Evidemment, lendemain de fête. 

1er Août 2021

Ariadne to Theseus, les poèmes écrits à Gary après qu’il m’ait appris qu’il se trouvait sans abri errant dans Londres :

In  the morning light, our shadows grow little by little on the  ground. We lean against the wall of the unbearable. We shall continue.

Keep  the thread tight.

You see this ? It is the thread Dedalus made for you to escape from his masterpiece, the Unspeakable and Unutterable Place. I will help you for the knot, around your waist my dear one.

Hold on tight to the thread, I am and remain at the other side, sunlighted.

You are in. In the Unspeakable. No words take place there. No nothing. Except sand heaps along the Walls. Your voice echoed along and at least you got some sleep with. I can’t see you with my eyes but with my mind. I am over there, not that far, at the other side of the Thread.

 I slept by the high walls, leaning my back to the darken concrete. The sun on my face lingered a while, sparkling colorous spot of light behind my closed eyes. My ears chased your tormented breath around a turn of the Frightened Fear Place, the Thread between my legs.

 

I woke up with the Thread wrapped tight around  my legs. Neither could I turn nor move. In which one of the Thousands bends of the Unutterable Place are you stuck, dearest Theseus, my unknowable monstruous half brother on your tracks ?

22 avril 2021

 

 

Let’s go !  Le chœur.  Par ses indications, l’adresse qu’il fait constamment  à Ariane, il nous donne la direction, c’est lui qui nous donne la compréhension de ce qui se trame, ce qui est sous-jacent, prêt à surgir, l’imminence de l’action, sa complexité, son impossibilité même. 

21 avril 2021

Rien fait, rien travaillé encore. Juste reprendre mon calme et me faire une zone de protection pour me reconstruire mon espace.

 Anaïs Nin : Je ne pouvais vivre dans aucun des mondes qui s’offraient à moi. Le monde de mes parents, le monde de la guerre, le monde de la politique. Je devais créer un monde à moi, comme un climat, un pays, une atmosphère dans laquelle je pouvais respirer, régner et me recréer quand j’étais détruite par la vie. C’est, je crois, la raison d’être de toute œuvre d’art.

17 avril 2021

Repris quelques mots par ci par là. Tout à l’heure, continuer le chœur.

 J’ai lu en entier La voix endeuillée de Nicole Loraux. Le reprendre ici  avec les notes qui m’intéressent.  

14 avril 2021

Nuit quasi blanche…écrit  un poème en faux vieil anglais, just for fun….Reprendre Ariane. Absolument. 

13 avril 2021

Comment me replonger dans Ariane, par quelle entrée ? Reprendre tout le texte à nouveau, faire une nouvelle version en date de demain…Je me disais que continuer le chœur me servirait. Peu importe mon scénario, ou ce qu’il en reste pour le moment. Toutes mes notes de dimanche à recopier. Qu’ont à dire les sacrifiés aux auteurs de leur mort abjecte ? Ces sacrifiés qui n’arrêtent pas d’être sacrifiés, ces sacrifiés qui remplacent d’autres sacrifiés qui viendraient après eux, et toujours et sans cesse. Le geste d’Ariane, sa geste, ce par quoi on a gardé trace de sa vie légendaire, ce pari insensé, risqué, impossible, qui contient en lui les germes de son impossibilité. Coup de force.

Bernard Noël est mort. J’en suis abasourdie. Je l’ai beaucoup lu pour préparer Silence Radio. J’aimerai le lire sans discontinuer. Ses peintres du désir, ses écrits sur la peinture, tout ce qu’il a écrit, avec le corps comme ligne de mire. 

23 Mars 2021

Ariane se réveille doucement. Retrouver mes premières tentatives de textes après tout ce temps passé sur Silence Radio.  Très peu d’énergie pour ça. Un aquoibonisme massif me tombe dessus. 

Je sais que je dois en passer par là. Demain j’aurai du temps à nouveau. Tout l’après-midi à consacrer à mon Ariane. Un problème majeur : comment  faire un résumé de  cet épisode de la mythologie, qui le dit ?

 

J’ai résolu la question. C’est le chœur qui prend en charge les parties narratives. Un refrain avec la première strophe également à écrire à nouveau. C’est le chœur qui va rythmer le déroulé de la pièce, parce qu’il faut bien l’appeler comme ça. C’est drôle comment cette période de travail cet après-midi m’a permis de me désobstruer… Ma fatigue a été dépassée, comme ce moment où les danseurs dépassent le cap de leurs limites. On dirait que j’ai franchi ce cap. À moins qu’il ne me faille le dépasser à chaque fois, over and over…Ce n’est pas impossible. En tous les cas, premier cap, nouvelle plongée…Tant à faire encore…Ce qui est bien c’est que je n’ai pas parcouru mes notes ni ne me suis confrontée à la puissance d’un livre. 

24 février 2021

Reprise du premier brouillon. Imaginer les confrontations mais qui doivent venir lentement, les unes après les autres, dans un crescendo tenu. Prendre son temps. 

23 février 2021

Cette aventure de l'esprit. C'est ça que je veux incarner. Ariane est la défenseuse des valeurs de l'esprit, les valeurs humaines. Je suis allée trop vite dans la confrontation Ariane et Minos. Beaucoup trop vite.

Faire des monologues adressés en présence mais en présence non directe. Comme dans un cauchemar. Laisser planer cette ambigüité. Comment rendre ça.

Ce qu'Ariane doit dire à Minos lui est inentendable. Elle doit passer par un certain nombre d'épreuves pour que cela puisse arriver à ses oreilles. La surdité de la tyrannie. Les clameurs au dehors. Avoir confiance dans les capacités autorégénératives du texte. Tout reprendre demain après midi. Au moins 4h dessus. M'imposer ça.

Refaire le monologue de Minos, seul, éreinté par la maladie, la rancœur, la toute-puissance amoindrie. Il y a de la place pour faire apparaitre une tonalité comique, en tous les cas ironique. Dans la folie il y a toujours un coté qui observe, qui est en distance. Me servir de ça aussi.

Thésée n'est absolument pas annoncé, présenté dans le rôle qu'il a joué dans l'histoire, sa place dans l'histoire mythologique.

L'orgueil démesuré et blessé des hommes. Faire des versions datées et repartir à partir d'elles pour retravailler mais garder toujours les anciennes versions. C'est important. M'immerger à nouveau dans Ariane, plonger avec elle dans les soubresauts de sa conscience.

 

Il y a plein de "bouts" de moi qui peuvent servir à tout cela. La folie, la jalousie, l'angoisse de celui qui est devenu autre, la bête de solitude. Je dois, c'est une obligation, me servir de tout ce que j'ai traversé, me servir de ma traversée pour écrire Ariane.

 

 

22 février 2021

Blues de l’après. L’énergie mentale déployée ces deux jours a été assez énorme. L’impression de n’arriver à rien, de n’être bonne à rien. Tant à déployer encore…Faire confiance…

20 février 2021

Le Minotaure, la figure du monstre, le bestial en nous.  La pulsion de mort. Comment se fait-il que Minos le voit ? Que le Minotaure apparait à Minos ?  Pour quelles raisons, liées à leur relation filiale, par exemple, à ce que chacun représente (le Roi, le prisonnier) je travaille sur les oppositions et les contradictions. Le remords, la culpabilité qui ronge, l’intranquillité plutôt, l’humanité trahie. Que fait un tyran au moment de mourir ? Quelle est son aspiration profonde, peut-être contradictoire.

La fille de Milosevic s’est suicidée après le procès.

Je réfléchis à tout en même temps. Comment faire autrement ?

Où est localisé le pouvoir ? Quel est le lieu du pouvoir ? Y a-t-il encore quelque chose comme un lieu du pouvoir clairement délimité ? 

La mort de la tragédie, Steiner : pour les Juifs, il y a une merveilleuse continuité entre ce que les hommes savent et ce qu’ils font. Pour les Grecs, il y a un abîme d’ironie. Partir de la catastrophe. Les tragédies finissent mal, le personnage tragique est brisé par des forces qu’on ne peut ni comprendre complètement ni vaincre par la sagesse rationnelle. La tragédie est irréparable. Elle ne peut mener à une compensation juste et matérielle pour les souffrances passées. La tragédie nous répète que le domaine de la raison, de l’ordre et de la justice est terriblement limité et que nul progrès de notre science ou de nos moyens techniques ne l’élargira.

Ariane incarne les valeurs de la vie de l’esprit, l’humanisme intégral, la défense de l’humain, quoiqu’il lui en coûte. Minos, le pouvoir cynique, le potentiel de destructivité immanent à l’humain, qui s’autoalimente et s’auto régénère de ses ignominies. 

La naissance de la tragédie, Nietzsche : l’art, tel un magicien sauveur et guérisseur, lui seul est capable de transformer ce dégoût pour l’horreur ou pour l’absurdité de l’existence en des représentations avec lesquelles il est possible de vivre : ce sont le sublime par lequel l’art dompte l’horreur et le comique par lequel l’art nous  débarrasse du dégout pour l’absurdité.

 

Si nous parlons d’une façon si abstraite de la poésie, c’est que nous sommes tous de mauvais poètes. Dans le fond, le phénomène esthétique est simple ; il suffit d’avoir le don de voir constamment un jeu vivant et de vivre en permanence entouré d’une troupe d’esprits, et l’on est poète ; il suffit de sentir le besoin instinctif de se métamorphoser et de s’exprimer en se mettant dans d’autres corps et d’autres âmes, et l’on est auteur dramatique. 

19 février 2021

Première scène. Minos tourne et retourne dans son palais. Ariane doit venir d’un instant à l’autre. Minos prononce un premier discours dans son palais désert et déserté pendant qu’au dehors la clameur fait rage. Il est malade et près de la fin. Trois scènes, trois actes.

Comment imaginer le déroulement ? Ariane va être supprimée. Tuée, car Minos veut qu’elle disparaisse avec lui.

Elle ne le sait pas encore. Elle ne sait pas qu’elle est tombée dans un guet-apens. Ses fils sont avec elle. Les fils qu’elle a eus avec Dionysos. Il est possible que dans la pièce ils ne soient pas présents sur scène. Imaginer un subterfuge.

Pour qu’ils soient annoncés et pas montrés. Ils vont manger et visiter le Palais, ce qui permet à Ariane de quitter la scène pour les rejoindre, ce qui lui fait un but pour sortir et disparaitre de scène et y revenir. Ses fils sont le témoignage du passage du temps.

Premier acte Minos. Ariane. Thésée. Deuxième acte Minos et Ariane. Le Minotaure. Troisième acte Ariane et Thésée. Thésée et Minos. Ariane et Minos. Quand est-ce que figure le chœur ? Quelle évolution il peut avoir tout au long de la pièce. Dernier acte : mort d’Ariane, tuée sur les ordres de Minos par ses gardes. Le monologue d’Ariane, où le mettre, comment le scinder ? Il y a plusieurs parties, les repérer. Mort d’Ariane mais mort également de Minos. L’espoir dans les fils d’Ariane qui échappe au massacre et vont rejoindre la foule hurlante. On passe du fil d’Ariane aux « fils d’Ariane », tiens….Et quel est mon fil sur l’ensemble des actes ? Qu’est-ce que je veux montrer ? La confrontation entre ces trois protagonistes. Mais plus que ça. La fin d’un monde, qui agonise en même temps que ses dirigeants et qu’il faudrait achever d’un grand coup pour pouvoir penser espérer passer à autre chose. Est-il besoin de le faire tomber ? 

31 janvier 2021

Une unité de temps : la crise au Palais, guerre de succession pour le partage du Royaume de Minos. Unité de lieu : le Palais, avec ses gardes et ses conseillers, la succession de prétendants au trône.  Unité d’action : la lutte intestine et les réflexions sur le pouvoir, à prendre ou à laisser. Les personnages : un Minos hagard, revanchard  et moribond que la perspective de la mort rend faussement sentimental et pleurnichard. Un Thésée roublard qui se contente de faire fructifier son empire en oublieux de ses valeurs originelles de démocratie. Un Minotaure fantomatique, qui revient hanter les humains de ses cris de bête oubliée de tous.

27 janvier 2021

Situation de départ : Minos est mourant et réclame Ariane à son chevet pendant que la lutte pour le pouvoir fait rage dans le palais avec un Thésée qui vient de près tester sa part du gâteau. Cette rencontre est le moment d’une mise à plat de ce qu’a été l’épisode qui a conduit à la fuite de l’île pour chacun et d’une certaine forme de règlements de compte. Ariane va enfin parler et donner sa version et faire en sorte que chacun l’écoute. Le spectre du Minotaure s’adressera à Thésée. Ariane les écoute, rien n’a au final changé si ce n’est que maintenant le labyrinthe est dans toutes les têtes….Y a plus qu’à Y a qu’à…J’ai deux bons mois devant moi, ce qui veut en effet dire une page tous les deux jours. C’est à peu près l’avancée qu’il faut. Garder quinze jours pour relecture, corrections, améliorations. 

23 janvier 2021

Lecture de Thésée, images et récits. Thésée a combattu le taureau de Marathon et l’a sacrifié.

« Peu après arrivèrent de Crète, pour la troisième fois, les envoyés chargés de venir chercher le tribut. En effet, Androgée passant pour avoir péri en Attique victime d’une perfidie, Minos avait fait la guerre aux habitants et leur avait causé beaucoup de dommages, tandis que la divinité accablait leur pays : la terre devint stérile, une grave épidémie éclata et les rivières tarirent. Le dieu (Apollon Pythien) leur ayant prescrit d’apaiser Minos et de se réconcilier avec lui pour faire cesser la colère divine et voir la fin de leurs malheurs, ils lui avaient adressé des hérauts pour solliciter la paix, qu’ils avaient obtenue à condition d’envoyer tous les 9 ans un tribut consistant en 7 jeunes garçons et 7 jeunes filles. » « Minos n’a cessé d’être décrié et couvert d’outrages dans les théâtres d’Athènes, les poètes tragiques ont prévalu qui, des tréteaux d’où parlaient les acteurs, ont répandu sur lui toutes sortes d’opprobres, en le représentant comme un homme dur et brutal. »

« Après avoir fait un vœu, il descendit vers la mer, le 6 du mois de Mounychion, jour où l’on envoie aujourd’hui encore les jeunes filles au Delphinion pour y faire des supplications.

Le 8 de Pyanepsion car c’est ce jour-là qu’ils arrivèrent sains et saufs dans la Cité. L’usage de faire bouillir les légumes en ce jour vient dit-on de ce que les jeunes gens revenus sains et saufs, mélangèrent en un même tas ce qui leur restait de vivres et mettant au feu une seule marmite commune, préparèrent et prirent ce repas ensemble, les uns avec les autres. « 

« Après la mort d’Egée, il conçut une grande et merveilleuse entreprise : ce fut de réunir les habitants de l’Attique en une seule ville et de faire qu’il y eut un seul Etat pour un seul peuple.

« Et l’on dit que la formule du héraut : venez ici vous tous ! fut celle de Thésée. Il fut le premier qui prit à cœur les intérêts du peuple, à ce que dit Aristote et qui déposa la royauté.

Célébration le 8 de tous les mois car ce chiffre est le chiffre de Poséidon, car c’est le premier cube formé à partir d’un chiffre pair et le double du premier carré, symbolisant de la manière la plus adéquate le caractère stable et immuable de la puissance de ce dieu.

Thésée faisait à Athènes figure de héros national : auteur du synacisme c’est-à-dire de l’unité politique de l’Attique, il était même considéré comme le véritable fondateur de l’Etat."

Je viens de lire un essai sur l’égarement et plusieurs pages sur le labyrinthe qui résument mes recherches jusqu’à présent.

 

Pour une histoire de l’égarement, André Peyronie

« Le labyrinthe. On ne niera pas que le mythe pose très fortement la question de l’égarement : le risque de se perdre y est explicite, et quelque part dans le labyrinthe, le Minotaure redouble le danger de cette perte. Mais le mythe ne va pas sans Ariane ni sans son fil, et avec ce fil, le mythe associe au labyrinthe le moyen de s’y diriger. En somme, il pose l’éventualité de l’égarement, mais prend soin de fournir en même temps le moyen d’y échapper. Si l’on préfère : il donne en même temps la serrure et la clé, le problème et sa solution.

C’est chez Hérodote qu’on trouve le premier emploi en grec du mot labyrinthe lui-même. Dans l’Hymne à Délos de Callimaque, c’est la seule mention que nous ayons de cet épisode.

Autrement dit, l’errance de Thésée dans le labyrinthe n’est pas un thème grec. L’Euthydème de Platon, raisonnement sur le bonheur, Socrate explique en effet à Criton qu’au lieu de conduire au but, ce raisonnement les a ramenés à leur point de départ. Ici une métaphore. Une utilisation désacralisée que Socrate fait du mot. Non seulement Socrate démythifie l’histoire mais il fait fi de la protection contre l’errance que la présence du fil comportait. On a là un exemple remarquable de la pensée philosophique opérant le passage du mythos au logos. Le labyrinthe est à construire, à produire dans le monde et dans la pensée. Il faut passer par lui, car non seulement la vérité n’apparait qu’en prenant le risque de l’aporie et de l’erreur mais il n’y a pas de vérité définitive, elle ne cesse de s’élaborer dialectiquement par rapport à l’aporie et à l’erreur. Premiers vers de la Divine Comédie « au milieu du chemin de notre vie / je me retrouvai par une forêt obscure / car la voie droite était perdue »

« Alors que l’idée d’égarement est présente dans le mythe et dans la philosophie depuis l’Antiquité, la littérature et davantage encore les arts plastiques paraissent jusqu’à la Renaissance, systématiquement l’éviter et l’éluder. Cette constatation débouche sur au moins trois questions que, jusqu’à plus ample information, nous laisserions sans réponse. Pourquoi cette réticence ou cette réserve ? Est-ce que le statut de la description ne permet pas le développement d’un thème de ce genre perçu peut-être comme mineur ? Ou bien faut-il penser qu’il y a eu pendant longtemps une véritable crainte de parler d’égarement, comme on a peur d’évoquer la mort ou certaines forces de l’ombre ? Est-ce qu’au Moyen Age en particulier, l’idée d’un ordre divin est à ce point contraignant que la représentation du désordre impliqué par l’égarement et le labyrinthe est religieusement dérangeante ? Et puis pourquoi ce décalage est-il si particulièrement sensible entre pensée abstraite et représentation plastique ? Autrement dit : pourquoi faut-il attendre le milieu du XVIème siècle pour voir la première figuration d’un labyrinthe millénaire que le mythe et la pensée philosophique ont depuis longtemps imaginé ? Est-ce à dire que la figuration visuelle engage plus que la simple conceptualisation ? Est-ce qu’il parait plus dangereux de représenter picturalement que d’évoquer verbalement ? A-t-on peur de tenter le diable ? Pourquoi enfin cette peur, si c’en est une, s’estompe-t-elle à la Renaissance ? Y a-t-il une raison idéologique à cela ? Doit-on mettre l’acceptation de la figure du labyrinthe en rapport avec la révolution copernicienne ? Avec l’agrandissement de l’espace, avec le passage de l’espace fini à l’espace infini. »

 

Le labyrinthe de mes rêves maintenant…

22 janvier 2021

Oui c’est pas ce qui manque…le tragique contemporain !

Actualisation du mythe. La méta. C’est la faculté à penser la structure dramaturgique de la pièce en même temps qu’on l’écrit. Trouver mes symboles-forces. Les dieux Athéna et Poséidon perturbent les actions des humains. Introduisent des éléments (la tempête, l’injonction à rentrer dare-dare à Athènes / le taureau offert par Poséidon pour qu’il soit sacrifié et qui ne l’est pas, devenue une tentation pour Pasiphaë ce qui l’a fait enfanter un monstre). Le dieu est vengeur absolument.

 À lire : le dernier Pastoureau, qui écrit sur le Taureau. Il y a certainement un passage sur le Minotaure, c’est obligé.

19 janvier 2021

Réouvrir l’ensemble, déployer les nœuds de question de cette histoire. Imaginer une méthode de travail pour faire surgir le texte à inventer. Cette idée de feuilles volantes, de cartes mentales pour tenter d’esquisser les personnages et ce qui les lie les uns aux autres. Pourquoi Ariane rompt le silence 20 ans après ? Elle est une exilée qui a erré avant de trouver un endroit où vivre. Une situation l’oblige à parler. Elle pourrait être la fille d’un mollah iranien qui a réussi à fuir en prenant la première opportunité venue. Et elle retombe sur un exilé qui a connu son père et qui a sa propre vision de l’histoire.

Ce qui est sûr c’est qu’Ariane est la fille d’un dictateur, d’un tyran. Elle a cru trouver enfin la paix mais son histoire la poursuit. Quel est l’élément qui la force à parler ? Thésée pourrait être un trader, un jeune loup convaincu de son bon droit. Placere et docere. Instruire, réveiller, surprendre… L’idéal classique. Des contradictions à refaire sentir.

Qui sont les dieux aujourd’hui ? Où sont les labyrinthes ? Le labyrinthe est tout autour de nous et en nous également.

Dans un monde sans transcendance, où tout est chosifié jusqu’au diktat du sentiment, régi par l’émotivité réactive du Réseau, quelle est notre place ?

 

Le mélange shakespearien de poésie et prose, dialogue ému, dialogue du quotidien. Retourner au tragique. Le tragique contemporain. 

15 janvier 2021

Le fil narratif à faire apparaitre. À tisser d’un moment à l’autre, d’un personnage à l’autre. Cette langue à faire surgir qui m’importe plus que tout. Il y a la langue d’Ariane, la langue de Minos, la langue du Minotaure. Et la langue de Thésée ? La langue de Dionysos ? Le Dieu pourrait ne pas être présent mais prêter sa voix.

Cela pourrait être une manière de la faire surgir. Comment l’un s’adresse à l’autre ?

La première partie avec Ariane est un premier moment. Quel est le lien avec la suite ? Comment faire venir les personnages sur scène ? Quels sont les liens qu’ils peuvent avoir les uns avec les autres qui provoquera une confrontation sur scène ? Il y a cette question de la temporalité. Je situe le premier acte 20 ans après. Ariane se remémore les choses, dans un présent simple, qui est le présent du mythe. Me rappeler cette question du temps utilisé. En grec, deux passés. L’aoriste et un autre. Ils sont utilisés de manière différente pour dire le mythe et le rite. Relire mes notes. Reprendre Les Irremplaçables aussi.

« Je crois que la vie du corps est une plus grande réalité que la vie de l’esprit : à condition que le corps soit réellement éveillé à la vie. Mais tant de gens n’ont qu’un esprit accroché à un cadavre. (D. H. Lawrence)

 

Est-ce que le premier acte d’Ariane serait bien le premier ? Pourquoi partir de là ? Ne vaut-il pas mieux que je pense à l’ensemble avant ? Que j’imagine le fil narratif entre TOUS les personnages une fois que je me serai mise d’accord sur leur nombre. Que je tricote une histoire avant toute chose. Des bribes de dialogue permettraient peut-être de la faire surgir. Qu’a à dire Ariane à Minos, à Thésée, au Minotaure ? Et eux qu’ont-ils à faire savoir ? Quelle serait la nécessité qui pousserait à ce qu’il y ait rencontre ? Thésée, l’importance de Thésée pour la formation de la démocratie athénienne. Retourner à mes lectures agissantes.

17 octobre 2020

Cela suffit maintenant. Le massacre doit cesser. Qui continue encore et encore…Ariane bi-face, deux individualités sur scène, Ariane solaire et Ariane empêchée. Le faire entendre dans le texte.

Sur la scène du Verso, la formidable énergie qui m’a tenu éveillée 15 jours durant. Le trou noir d’énergie de la scène, le formidable catalyseur, la boîte noire, lever le couvercle, tendre l’oreille pour se saisir d’un moment vécu par les humains et le projeter sur la scène. Ariane debout, vivante, incarnée, l’énormité de l’expérience partagée avec Sarah, qui nous tient toutes les deux. « Sarah, on s’est créé un monde, un monde où l’on peut respirer, vivre et ce monde, en plus, on peut le donner en partage… »

Au cœur d’Ariane, le passage de l’individu au collectif et comment ce collectif résiste au pouvoir. Quelle serait une relation hors-pouvoir ?

 

Mes cœurs : la vie intérieure, la question du pouvoir dans le tressage des individualités en collectif. 

27 août 2020

Comment continuer ? Par fragments qui évoqueraient en vrac le Minotaure, Thésée, Dionysos. Ils seront des absents/présents, dans le texte et sur scène. Peut-être des voix.

Le continent de nos incertitudes.

Les possibilités d’ouverture et d’expansion du texte : la géographie, la généalogie.

Poséidon comme dieu intervenant sous plusieurs formes (père divin de Thésée, Offrande du taureau blanc et vengeance). Athéna qui oblige Thésée à retourner à Athènes au plus vite.

Le nœud contemporain de questions : le changement climatique, le peu de portée de l’action individuelle, la difficulté à nouer des collectifs efficaces, le découragement face à l’action des nouveaux dieux qui viennent constamment ralentir voire réduire à néant l’action humaine.

La chevelure d’Ariane, se peigner lentement, comme face à la mer. Le geste de prendre du sable dans ses doigts, ou des graviers, et les faire couler comme du sable.

Nietzsche : 3 manières de vivre, de survivre. La folie (dionysiaque) de qui s’enivre, l’illusion (apollinienne) de qui rêve et le mensonge (socratique) de qui raisonne.

L’illusion qui donne envie de vivre, qui donne goût à la vie.

La coexistence des contraires, non résolue par une logique binaire, simpliste.

 

La parole d’Ariane, comme Antigone, une parole qu’elle ne peut plus faire taire, au risque de mort psychique. Sa première prise de parole coïncide avec le récit de son effondrement concomitant avec l’effondrement de son univers quotidien qui est bien réel. La scène, c’est la rencontre avec l’impossibilité de la société telle qu’elle est. De multiples formes de vie, autant que d’individus impliquent la logique du tiers inclus. Ni impasse dans la difficulté du dialogue, ni impasse dans la solitude. 

26 août 2020

Repris la lecture des Irremplaçables de Cynthia Fleury qui m’interrogent quasiment à chaque phrase.

La question de la parole confisquée, de la difficulté à dire pour Ariane qui doit être marquée dans l’écriture de la suite du poème. Reprendre le chemin du poème avec le fourmillement qui m’habite jusque là…

Qu’est-ce qui pousse Ariane à continuer à dire ? Qu’est-ce qui provoque sa parole et la pousse à poursuivre après cette dernière affirmation « cela suffit maintenant, le massacre doit cesser. »

 

La tragédie antique, personnage dans les contradictions de son temps, dont le drame n’est pas résolu par le divin au contraire de la mythologie mais par les valeurs collectives imposées par la nouvelle cité démocratique. 

14 juin 2020

Dire l’incroyable émotion. Oui ce texte est bien achevé. Il est un moment, une ébauche d’un texte plus long. La voix d’une comédienne. La façon qu’elle a eu de rentrer dans le texte et de le faire résonner…d’en tirer des leçons de souffle et de respiration sans rentrer dans les significations, m’ont ému aux larmes…Cette intelligence du texte, pris dans sa radicale nudité, son flot, son souffle, sa respiration. J’étais comprise, mes mots trouvaient un écho, une cohérence qui était reconnue, immédiatement assumée, comprise jusqu’au tréfonds sans que l’on en rajoute.

 

J’ai affirmé la nature de mon texte, « poème sonore à performer » mais pensé et construit comme un poème sonore qui a sa propre indépendance et unité distincte de la performance. Je ne serai pas sur scène, je ne donnerai pas ma voix, je ne prêterai pas mes yeux mais mes visions et mon flot seront là, incarnés, transfigurés. Au-delà même de ce que je pourrai imaginer. En être totalement assurée.

30 mai 2020

Les voix des athéniens sont les voix des esprits, les voix des morts qui reviennent dire leur gratitude à Ariane.

 

«Tu es ta propre chambre noire, ton propre déclencheur à l’affut de la

lumière ».

26 mai 2020

Le Minotaure a beuglé sa solitude dans le tunnel proche de la nationale…J’ai profité du week-end de l’ascension pour faire l’enregistrement espérant qu’à 2h du matin, il y aurait moins de circulation. Ce qui a été loin d’être gagné. Plus d’une minute de montage de gémissements. Rebidouillé les voix du chœur aussi, pour finir avec « ce léger vent dans tes cheveux » avec une tonalité plus appropriée au texte et pour faire contraste aussi. Il me semble que ça fonctionne mais ça frise au niveau du son, cela a besoin de réglages encore…

J’ai relu le texte pour la première fois depuis longtemps.

 

« L’homme moderne bricole dans l’incurable », dit Ionesco en citant Cioran…Le nombre de doutes qui me traverse est énorme. Je ne les fais pas taire mais je les assourdis un peu pour pouvoir continuer de travailler. 

14 mai 2020

Garder les angoisses multiples à distance est un travail constant. Ce que je constate c’est qu’une certaine lenteur et une répartition des taches sans les multiplier dans un même moment est la clé pour faire perdurer cette sérénité. Dont acte.

 Refaire l’enregistrement des graviers aussi. Retravailler le tunnel. Une image   peut-être pour le temps de lecture du poème de fin ou sa diffusion enregistrée :   le geste de peigner sa chevelure, de chercher son visage dans le regard des       spectateurs, cela pourrait être un élément dramaturgique.

 

 

 Le poème. L’oublier. Me le rendre complètement étranger pour pouvoir le   rouvrir plus tard. Rouvrir ses significations et lui en insuffler de nouvelles. Je   ne sais pas d’où les nouveaux vers, plus adaptés au sens général de la fin   que je veux lui faire prendre, viendront, surgiront, une nuit, au détour d’une     phrase en suspens, d’un coup d’un seul je saurai incliner les significations     vers le sens global que je voudrais faire prendre à mon Ariane…

30 avril 2020

Comment dans la pièce j’interroge temps et espace. Je m'interroge toujours sur

le final. Me réserver le final cut, pouvoir modifier la fin et pour cela j'ai besoin de

temps pour mâturer des questions qui sont encore embrouillardées.

Lire Les Irremplaçablesservira peut-être de déclencheur. Je pensais à l’ambivalence du fil : ce qui tranche, ce qui sépare et en même temps ce qui relie, cordon ombilical      et  corde  pour  contraindre,    pour     donner  la  mort.  Une  symbolique  très forte. Le fil. Le « sans fil », la technologie sans fil. La figure d’Ariane moins importante que ce qu’elle nous permet de penser.

28 avril 2020

Aujourd’hui je pense aux implications psychiques qu’a eu sur moi ce travail d’écriture. Que j’ai été de toutes les commandes. La nécessité puisée au plus loin, la question du lien qui m’anime et m’agite depuis toujours, comme la question la plus intime et la plus universelle. Celle qui me touche au plus profond, la peur de l’abandon, le vécu de l’abandon, véritablement vécu au plus profond, la perte du monde, de toutes les possibilités de s’inscrire dans le monde, qu’il a fallu reconquérir l’une après l’autre. L’être poète qui s’est affirmé comme un incontournable, la possibilité de prendre en mains toutes les problématiques, de les travailler jusqu’à ce qu’elles rendent leur eau et de « faire poème ». Pour la première fois, je dis « je » dans un texte un « je » de la quatrième personne du singulier, complètement assumé. Le pré-texte Ariane. Non pas une relecture du mythe mais la possibilité d’incarner une parole à travers l’aventure humaine trop humaine d’Ariane. Non pas lui rendre la parole mais la faire exister comme un être de parole, et moi à travers elle.

Dans le quotidien, pouvoir dire mon être-femme qui se trouve abusée car « mise-en-mère » sans craindre la rupture. Comment à travers tout ce parcours de recherche, de mise en sons, en textes et en images, je me suis affrontée à mes problématiques, à mes manques, à mes peurs. Comment cette recherche, tout ce processus de recherche par l’imaginaire, le symbolique, l’intime m’a donnée une assise interne forte, comme la possibilité d’un dépassement, d’une sublimation. Confiance interne affermie, j’ai envie de dire, je suis mon propre soleil, j’ai internalisé enfin les raisons de mon existence, dans toutes ses dimensions. C’est d’ailleurs tout à fait remarquable que ma course du matin je ne l’ai pas vécue comme celle des autres jours, j’étais dans une présence que je tentais de reconquérir parce que le monde mental prenait beaucoup de place. Et ce matin, précisément, les choses se sont passées autrement, je me se suis mise à ressentir avec beaucoup plus de présence et d’acuité, tandis qu’hier, j’ai lâché Ariane, je l’ai fait se détacher de moi et voguer sa propre vie. Naissance. Mise au monde et fatigue concomitante. Légère détresse de mère inquiète aussi…puisque l’on donne la vie, on donne la mort. Tout paraissait très loin. C’était mon sentiment. Quelque chose d’accompli qui portera à son tour ses propres fruits. Comme tout cela m’a apporté. Et m’apportera encore. La mise en œuvre du désir, qui trouve sa source en lui-même. Cela pourrait en être un résumé. C’est bien que je m’octroie également cette journée pour « redescendre » sur terre et quitter mes labyrinthes créatifs.

 

« On ne sait si le jeu de l’écriture est un jeu ou un combat. L’espace littéraire c’est la part du feu selon Blanchot. Ce qu’une civilisation confie au feu, ce qu’elle réduit à la destruction, au vide et aux cendres, ce avec quoi elle ne pourrait pas survivre, c’est ce qu’il appelle l’espace littéraire. »

25 avril 2020

Je réfléchis à la portée du texte et les dimensions qui n’apparaissent pas.

 Celle problématique du fil qui peut enserrer, être corde, lacet, filin. Je rajoute

 un mot, en corrige un autre. Le problème de la fin : je suis allée trop au galop

 et les nuances que je veux apporter à cette politique du nous ne sont pas

 présentes.

 

Qu’est-ce que je veux dire au final ? Si le nous est problématique, qu’est-ce  que je veux faire passer comme idée. Aussi, attention à la disparité, je veux  dire que le souffle doit toujours être là. Et au final pour atteindre le nous je passe par le ils, par l’invective, je m’éloigne du sujet en quelque sorte en voulant trop aller directement à la révolte. Où est Minos dans tout ça, comment faire entendre que ce n’est pas seulement lui dont il s’agit. Je le dis quand je dis Minos et ses cohortes.

19 avril 2020

Le poème se nourrit de lui-même de tout ce qui passe, de tout ce qui vient, de tout ce qui tient. DONC, il avance…La vie « désordrinaire » selon Cynthia Fleury.

18 avril 2020

Une heure, peut-être devant le texte du poème. Rester vissée à sa chaise. C’est ça qui fera la différence.

16 avril 2020

Faire taire l’inquiétude qui essaie de se frayer un chemin jusque dans mes pores. La question du nous problématique. La question de la démocratie et de ses institutions mais avant de poser ça, ce qui fait lien entre les gens. La solution utilitariste : chacun y trouve son compte à la Stuart Mill. Est-ce que les relations entre les gens peuvent échapper aux relations de pouvoir ? Le « credo » du nous. Un horizon de croyance. La question du lien brisé,  trahi.

14 avril 2020

Faire voir la parole, la parole toujours suspecte, toujours problématique, et dorénavant avec le risque pandémique qui ne nous quittera jamais plus et qui sera un argument de plus pour confiner la population à l’intérieur d’elle-même, suspecte dans sa physiologie même (parole : définition du dictionnaire COVID 19 – comme il y avait un dictionnaire de la langue française le petit Robert - moyen d’expectorer un son agglutiné de salive par l’orifice buccal). Faire entendre ça également et le combat contre cette réduction drastique du risque de parole.

13 avril 2020

Je chemine avec Sony Labou Tansi. Dès la seconde où j’ai posé mes yeux sur ses mots, j’ai été frappée par la force de sa poésie. Immédiatement. Un très grand frère. La grande proximité d’âme que je ressens avec lui. Un artisan des contraires et de la différence. « La culture c’est le lieu de rencontre du rêve et de la conscience ». Le « silence-parlé » (je suis un Africain, c’est-à-dire celui qui suivant une longue et vieille tradition culturelle, sait que la meilleure parole dans la plupart des cas est la parole retenue, ou si vous voulez le silence parlé) ; « casser la gueule à la chair de poule ».

 Comment incarner Ariane ? C’est-à-dire penser à quelqu’un que j’aime   profondément et mettre mon oreille à sa bouche.

 La question de la sensualité. Donc des sens. Ariane respire,   touche,  goûte,  écoute, voit. L’adrénaline procurée par la décision et l’action   lui procure une acuité décuplée. C’est cela qu’il faut que j’amène dans le       texte. Créer son propre soleil.

 

Sa propre manière de se réchauffer… de faire circuler le lien, puisque c’est de ça dont il s’agit, le faire éclater, rayonner, tout autour du corps. C’est là que se placera également la sensualité mais je la veux présente dans la langue elle-même.

8 avril 2020

Je viens de relire mes notes. Entre autres cette idée de comment faire voir la parole. On pourrait imaginer qu’à un moment, dans la deuxième partie, il y a un arrêt brusque. L’arpentage du labyrinthe prend fin. Comment ? Je ne sais pas encore. Il y a un moment où les mots seraient comme désarticulé, les mots du texte qui viendraient progressivement, après les souffles, éructations, rugissements, qui mimeraient une bataille, parfois, une bataille sans ennemi présent. Il y a donc un jeu à inventer. Une gestuelle. Et la présence de ce fil, de ce cordage qui servira au jeu.

Le poème vient d’un endroit que je ne connais pas, qui ne trouve  pas  sa  source  dans une connaissance. C’est un autre rapport qui se crée là. Il ne suffit  pas de creuser mais de laisser venir…

7 avril 2020

J'ai avancé sur le poème.Trois pages qui se tiennent. Il m'en faut le double. J'ai l'exposition, la décision, l'action sur le point de se faire, encore un texte sur l'action d'Ariane, dans le concret de ce qu'elle a entrepris, la libération, la fuite, la résolution. Quelle est la victoire d'Ariane ? Qu'est-ce qui fait d'elle uen héroïne ? Une héroïne tragique contemporaine. La fin de la malédiction avec la libération des athéniens et la mort du Minotaure. Le labyrinthe est désert, déserté, forteresse sans plus de raison d'être. A quel moment surgit un "nous" puisque plusieurs ont contribué (Dédale, Thésée) ? Quel est ce "nous" problématique à faire apparaître ? Lire Les Irremplaçables de Cynthia Fleury. Lire Serge Bidima. Le choeur du 21ème siècle n'est pas à l'unisson, ne peut pas être à l'unisson. Comme il l'écrit "Nous parlons d'une seule voix mais à plusieurs gorges". Sony Labou tansi "La parenthèse de sang", "il faut tuer toutes les dernières fois", "parler en rond", "je vous aime sur ondes de chair courtes".

31 mars 2020

Laisser dormir Ariane ce soir. Laisser les voix mourir dans l'oubli.

29 mars 2020

Passage à l'heure d'été. Cela pourrait être la partie d'un poème pour Ariane. Ariane danse dans le labyrinthe. Des bribes de mots commencent à venir, puis de manière de plus en plus intelligible jusqu'à ce qu'elle s'immobilise et qu'elle dise le monologue face aux spectateurs, ou alors en tournant petit à petit. Pourquoi ce mouvement, en quoi dans l'écriture du texte il est une indication, dans quelle mesure j'ai besoin de ce mouvement-là alors que je n'ai pas encore écrit cette partie de texte ? Cela veut dire que l'adresse aux spectateurs est progressive. "Ne t'arrête pas à l'ornière des résultats". J'ai besoin de cette phrase de René Char pour continuer à avancer sans me soucier de la représentation. J'essaie d'être au plus près du travail en cours sans me soucier de l'après, comme je suis dans le vie en ce moment, au plus près de ce qui vient en me tenant éloignée de la pensée de ce qui peut survenir.

20 mars 2020

J'ai commencé le traitement des sons. Je vais répartir la journée autour de ça. La gageure va être de me retrouver dans ce travail, j'avance pas à pas. Me focaliser sur la première partie qui est la partie d'exposition. Les bruits de voix. Le fracas. Ariane se réveille. Lentement. Le choeur. Comment faire les voix.

1er mars 2020

Qui porte le récit ? Qui raconte ? Je ne peux pas garder une fluctuation ou une imprécision à ce sujet. Je prends tout ensemble en construisant un hors-scène qui sera sur scène après coup. Le solaire d'Ariane est d'autant plus puissant dans ce que j'en imagine qu'il prend racine dans la nuit, sa nuit de femme recouverte de la nuit des hommes de guerre. Je travaille sur trois dimensions pour la première fois. La dimension de la parole et de ses différentes modalités,  la dimension de la temporalité, la dimension de l'espace, ce que je vais le moins pouvoir travailler parce que c'est Sarah qui va le faire. J'ai les grandes lignes de force par rapport au déplacement dans l'espace car il y a une cohérence forte par rapport à l'apparition de la parole. Comment faire voir la parole.

29 février 2020

49.3 et interdiction de manifester. C'est dans ce contexte-là que je me mets à organiser la performance de Sarah. Présence du cri. Effets de recouvrement, voix enregistrées et voix en direct.

29 janvier 2020

Ecrire le choeur des athéniens. La fuite hors du labyrinthe. La fuite dans le labyrinthe. Que peuvent dire les athéniens ? A qui s'adressent-ils ? A Minos, à Egée, roi d'Athènes, au Minotaure ? Au 3 à la fois. Tour à tour. Les sacrifiés ? A qui demandent-ils pitié ? Non, ils sont révoltés du sort qui leur est réservé et ils vivent le syndrome de Stockholm, ils se sentent proches du Minotaure qui n'a d'autres choix que de vivre cette existence de reclus.

31 décembre 2019

Ariane s'est redressée. Les voix du souvenir se sont tues. Elle arpente le labyrinthe déserté et danse silencieusement. 

30 décembre 2019

Tirer tous les fils et rebricoler une pelote. En faire un objet orange et rond à balancer de l'autre côté de la haie. Et hop ! Ariane a eu un demi-frère enfermé tout à côté du palais royal pendant des années. Figure du monstre soustrait aux regards, soustraits à la vie sociale. N'est-il pas devenu encore plus monstrueux parce qu'il a été mis à part, enfermé loin de tous ? La fabrication du monstre. Ariane a délivré le Minotaure de son enfer en aidant Thésée à le tuer. Elle lui conseille glaive et bouclier dans certaines variations du mythe car tout infatué de sa superbe, il pensait le combattre à mains nues. Le Minotaure hurlait toutes les nuits, non pas pour réclamer sa pitance mais de solitude. Il a été l'instrument de la vengeance de Minos. Le tribut de guerre que constituaient les otages livrés au monstre bi-formis (corps d'homme et tête de taureau) a fait de lui un bourreau. Bourreau malgré lui. Ariane fait cesser tout massacre. Elle met un coup d'arrêt à la malédiction qui pesait sur les jeunes athéniens depuis 27 ans, elle fait cesser le calvaire de son demi-frère le Minotaure, elle aide Thésée qui peut s'échapper du labyrinthe grâce au fil forgé par Dédale l'Athénien à qui elle a demandé son aide. Sa détermination à céder à aucune compromission avec l'horreur disséminée autour d'elle en fait une révoltée grandiose. Quitte à rompre avec sa destinée, première fille du roi Minos, ellerenonce à une vie toute tracée avec un prince. le cri d'Ariane : cela suffit comme cela maintenant. Elle pensait faire de Thésée un allié sûr dans son combat. Ce qu'elle n'avait pas assez évalué, c'est que Thésée ne partageait pas les mêmes valeurs ni les mêmes convictions. ce qui importe avant tout pour lui ce sont les honneurs qu'il allait recevoir à son retour victorieux à Athènes pour en devenir le roi.

27 décembre 2019

Ariane se profile à l’horizon. Je la vois éructant, soufflant comme les bêtes dans sa rage. Impossible à représenter. Le comique viendrait cacher l’image. 3 fois 9 ans.

C’est au bout de 27 ans que Thésée met fin au supplice des jeunes athéniens. Tous les 9 ans, 7 jeunes filles et 7 jeunes hommes étaient enfermés dans le labyrinthe.

8 décembre 2019

 

Ariane n'hurle plus à côté de moi. Elle est abasourdie et sans force. Elle a ramassé autour d'elle ses possessions. Pour partir. Se remettre en marche. Elle a beaucoup appris. Dans la trahison. Celle de Thésée mais aussi dans la sienne. Elle s'est trahie elle-même. Au nom d'un plus grand bien, du bien commun. Arrêter le massacre des otages. Arrêter la démesure de son père Minos dans sa folie vengeresse. Fuir. Se fuir. S'oublier. Le désoeuvrement. L'absence d'oeuvres. L'impossibilité de l'oeuvre. Dionysos va venir. La soustraire à son désarroi. Quelle oeuvre laissera-t-elle ? Les enfants conçus avec Dionysos ? Sa parole. Forgée dans les épreuves. De la plainte aux cris. Tous les états de la parole. "J'écris pour essayer de rendre compte de quelque chose qui m'échappe," écrivait Nathalie Sarraute.

2 décembre 2019

Trouver mes lignes de force et m’y arrimer. C’est ça qui structurera l’ensemble et qui me permettra de garder mon cap. Cela peut être des idées, des images, des mouvements. À définir. Faire voir l’effondrement et le faire entendre, faire voir et entendre le passage des souvenirs dans le corps, le fil est fil de parole qui guide et soutient.

 

Le mythe est plutôt de l’ordre du prétexte. Les questions qu’il traverse, je voulais les interroger depuis plusieurs années. Qu’est-ce que je veux interroger ? La passion amoureuse ? La traîtrise ? L’engagement d’Ariane par rapport au sacrifice des jeunes gens ? La révolte face au père et à son pouvoir ? La ruse d’Ariane, son inventivité, la métis grecque. Le « ce qui compte c’est que tu aies la vie sauve » à Thésée. Quoiqu’il en coûte. Quelles qu’en soient les conséquences. Jet de dés. Pari risqué. Toute sa puissance déployée. « Maintenant ça suffit ». Décision inamovible. La mascarade doit cesser. Les massacres doivent être  stoppés.

27 novembre 2019

Les 7 jeunes hommes et les 7 jeunes femmes athéniennes, qui sont-ils ? Ils pourraient être aujourd’hui des enfants de pauvres, tirés au hasard, bons qu’à être jetés en pâture au Minotaure. Ces sacrifiés, destinés au sacrifice, doivent avoir une place, une présence. Ils pourraient être un chœur, ceux qui parlent de manière anonyme, dont l’existence ne vaut rien. Bons qu’à être mangés, que ce soit par le Minotaure ou autre chose...Victimes de la Raison d’État.

Bruits de pas, bruits de fuite, cris apeurés et portes qui claquent. Travailler sur des évocations.

23 novembre 2019

Sens : signification et finalité. L’ab-sens. Quand rien n’a plus de sens, quand la présence intérieure, la présence à soi est dévastée. Inatteignable. La contagion de la perte. Quel est ce passage à traverser ? Celui qui nous transforme longuement, nous brasse sur le sol, nous roule sur les pierres ?

20 novembre 2019

Cette femme allongée, déposée au sol, comme engloutie par le sol, qui émerge lentement. L'état de dévastation. C'est cet état que je veux donner à voir en premier lieu. Cette impossibilité du mouvement parce qu'intérieurement, tout est figé, glacé, environné de ténèbres. L'arbre bruisse dans ses feuilles mais elle ne le voit pas, elle ne l'entend pas. Qu'est-ce qui permet le redressement, le premier mouvement ? Qu'est-ce qui en premier va se mettre à battre ? A revivre ? Trouver dans le mouvement l'impossibilité du mouvement.

19 novembre 2019

Ne pas courir ne pas tracer. Rester dans le grand calme et le laisser m’envahir doucement. Pas un bruit. Juste le tic-tac de l’horloge. Me débarrasser de toutes les scories qui occupent l’espace intérieur. C’est un processus qui peut parfois prendre du temps. Il m’aura fallu plusieurs jours, plusieurs nuits. Des nuits à ressasser de manière improductive et futile. Nettoyer les canaux pour retrouver la source. Le bruit de l’eau courante, folle, impétueuse. Une ablution intérieure. Plus d’agenda, de choses à gérer, à organiser, planifier. Un temps suspendu. M’offrir ce moment. Une attention déployée qui m’enveloppe sereinement. Atteindre – un temps seulement - cet état intérieur. Pour pouvoir le recréer à nouveau, indéfiniment. À volonté. Voilà ce qui était nécessaire pour pouvoir rejoindre la figure d’Ariane. Approcher sa solitude. Toucher du doigt ses tristesses. La figure de l’abandon et  ses atermoiements.

Tout heurte.

Même le souffle du vent sur la peau cuit comme une brûlure. Anéantie. Envahie du rien et foudroyé par lui. Un vol d’étourneaux peut ramener à la vie. Plus tard. Beaucoup plus tard.

Le labyrinthe. Explorer ses chambres sans fenêtres, ses couloirs sans fin. Gens qui courent en claquant des portes. Figure de l’enfermement. Odeurs âcres de fumée et de sueur qui prennent à la gorge. La douleur. Le ventre-enclume. C’est cette figure du terrassement que je dois placer au début.