Le photopoème, c'est le moyen de me demander comment avec le langage du langage et le langage de l'image, sans que l'un soit l'illustration de l'autre, faire des photopoèmes-emblêmes de notre époque.

 

Ce que je veux questionner avec le photopoème : comment les mots tiennent-ils aux choses, comment insuffler de la vie à leur relation ?

 

J’essaie de le faire avec cette pratique qu’est le photopoème, car la photopoésie questionne

le monde de la représentation et recherche le monde de la présence, par la création d'un universel singulier. (Mohammed Taleb a appelé  l'association de philosophie qu'il a créée en 1994 le singulier universel !...).

Cela veut dire plusieurs choses dans ma démarche, du côté de la photographie dans un premier temps.

Que veut dire « faire des images du monde » en 2015 pour moi ?

Ce que je recherche : des images qui n'alimentent pas la machine de guerre de tous contre tous, de chacun contre chacun et en chacun, pour ne pas en rajouter dans l'angoisse générale. Mais on pourrait parler de "guerre générale", comme Jean-Claude Besson-Girard parle d'anthropologie générale dans un article de la revue Entropia n°11, (il a été un invité de Mots contre les Maux Saison 1 au Remue-Méninges ! ! ) avant lui Bataille et l'économie générale dans la Part maudite, Gregory Bateson et l'écologie générale dans L'écologie de l'esprit...

 

Je recherche des images qui n'ont pas d'effet de sidération sur nous, nous stoppent et nous empêchent de penser. Des images qui incarnent, qui donnent chair. Qui nous laissent souffler, respirer, espérer. Qui nous laissent vivre.

Avec l'argentique, je fais peu de clichés, pas de retouches. C'est le moment où je décide de prendre une photo qui m'intéresse. Qu'est-ce qui se passe pour que l'on appuie sur le déclencheur ?

Cartier-Bresson avait parlé d'instant décisif, on peut parler de moment propice, reprendre le kairos des grecs, le moment où tout bascule, où tout peut basculer (krisis).

Le déclenchement est une décision prise en quelques dixièmes de secondes.

Je considère la prise de vue comme un exercice spirituel, une pragmatique instantanée.

Cartier-Bresson « photographier c'est mettre sur la même ligne de mire la tête l'oeil et le coeur ».