Conte rendu numéro 8

                                      écrit au rebond après la représentation de             

                                                                         N.A.K.E.D

                                                          troiscentcinquanteetun

                                                               performance dansée 

                                                        de Davide Finelli et Mélanie Venino

                                                                    au Chok Théâtre

                                                          jeudi 5 et vendredi 6 avril 2018

 

1. On peut vivre tout près du mur. On peut vivre peu. Vivre à demi. A rebours. On connaît les huit pas de sa chambre. Notre vision de ce que c'est le monde peut s'arrêter là. On peut vivre à côté de soi.

A côté de toi. Et de toi. Tout à côté. Tout près. Si près. On peut vivre.

 

2. Si chacun pouvait avoir conscience de son absolue singularité, si chacun pouvait avoir conscience de son absolue étrangeté, si chacun avait conscience de maintenir sa normalité par une série ininterrompue d'astuces soigneusement dissimulées alors personne ne ferait de mal à personne.

Peter Handke

Si chacun pouvait se rendre compte qu'il tient debout intérieurement par la force de plusieurs personnes réunies en lui pour n'en former au fond qu'une seule, sans que l'on puisse parler d'agglomération, ni encore moins d'agglutination véritablement, mais d'un patient assemblage qui prend toute une vie et qu'un rien peut décomposer, alors il prendrait le temps de parler à chacun pour mieux les connaître avant le premier courant d'air venu.

 

3. Tu avances. Tu sais que tu avances. Toi, tu le sais. La première goulée d'air fait l'affaire. Tu prends ton élan quelques fois. Un pas après l'autre, ça n'a l'air de rien. ça avance pourtant. Oui, c'est ça, tu n'es déjà plus là où tu pensais être, hein. Reprenons. Alors les bras en avant, puis en arrière, la jambe, là, toute droite, et puis l'autre, légèrement pliée que tu ramènes vers la première. Puisque tu as deux jambes. C'est bien ça, hein. Un souffle, on avait dit. Juste un souffle... Tout ce que l'on peut faire le temps d'une respiration.Tu avances. Tu sais que tu avances.

 

4. Comme on fait son lit on se couche. ça n'a pas l'air comme ça, mais c'est toute une affaire. Quand on est seul. Et puis quand on est deux. Que le deux nous habite. On ne sait plus comment. On a bien des souvenirs. Comment ça s'est fait au juste. Un jour on a été deux. C'est comme ça, on ne l'a pas cherché, c'est venu tout seul. Evidence lumineuse. Tu étais là, j'étais là, association stupéfiante.

Dit comme ça, ça n'a l'air de rien mais c'est toute une affaire.

 

5. Non. On ne peut pas. Tout a déjà été fait. Dit. Redit. Fait. Défait. Parfait. Alors qu'est-ce qu'il reste ? Faire encore ? Défaire encore ? Et si dire c'est faire alors...non.

 

6. Ah c'est comme ça. Des jours où il faut rentrer dans l'image. Pousser les bords. Pas trop de place. Du monde là-dedans. Même debout sur un tabouret, ça le fait. C'est un peu étroit pour commencer, il faut tirer un peu sur le costume. Celui des jours gris où le soleil est à l'intérieur et qu'il fait pas bon le montrer.  Ce serait...malvenu...déplacé...alors on range même le soleil dans la poche... On croise on décroise. Les bras, les pans de la veste. Pour mieux rentrer dans l'image. C'est qu'on s'y croirait.

 

7. On aurait dit qu'il fallait aller tout droit. C'est le plus court chemin on a dit. Mais oui, continue. c'est mieux, c'est par là. Tout droit. On te l'a dit. Le plus court chemin pour aller nulle part c'est tout droit.

 

8. C'est qui les dindons de la farce ? C'est vous ou nous ? Toujours à rire, à renâcler quand faut y aller. J'aime, j'aime pas. Ah, dit comme ça...Facile, hein ? ça y est ? ça vous fait pas trop mal assis comme ça sans bouger ? Bien rassasiés ? Vous avez mangé assez de lumière ? Allez, zou, c'est pas tout ça, mais faut y aller maintenant, on n'en a plus en stock, de notre lumière.

C'est avec vos nuits qu'on se recharge, avec vous qu'on redessine un monde vivable pour chacun.